Bits & Scraps

Sunday, December 09, 2007

Grenelle, CO2 et le gouvernement Fillon

Les nouvelles annoncées ce week-end sur la vignette verte, qui va s'appliquer dès le 1 janvier 2008 en France, sont très intéressantes et méritent différents commentaires.

D'abord, c'est a priori une bonne chose de mettre les citoyens consommateurs en face de leurs responsabilités par rapport au réchauffement climatique et de leur montrer au travers de leur porte monnaie que leurs décisions en matière de mobilité ont un coût environnemental.

Comme les Cassandres avaient annoncé que le transport serait le secteur où cette pression "CO2" ne serait jamais appliquée, car les hommes politiques ne toucheraient jamais à la sacro-sainte voiture, le fétiche de leurs électeurs, on démontre et on constate ainsi que ce problème majeur est traité : en France, les transports sont en effet le premier poste d'émissions de gaz à effet de serre, et il reste l'un des tout premiers en Europe et dans le monde, où la production d'énergie, le secteur industriels et les émissions liées à l'agriculture peuvent leur ravir la première place

Les Grenelles l'ont dit, Fillon et Sarko l'ont fait, sans traîner.

Excellent, selon le principe que toutes les mesures visant à maîtriser le changement climatique comptent et sont bonnes et qu'on ne peut pas choisir entre elles!

Si on fait un petit calcul simple, en calculant le surplus de CO2 émis pendant une vie entière de 200.000 km d'une grosse cylindrée émettant 400 g CO2/km, on voit que le coût afférent se situe à 2.240€ par rapport à une voiture à 120 g/km. Le compte est bon, par rapport aux chiffres qui vont être appliqués en France.

La France a donc mis en place un système simple pour internaliser une externaiité. Les industriels les plus intensifs en CO2 ont leur marché du carbone pour les "aider" à piloter leurs performances. Voilà donc une méthode opératoire qui s'applique aux conducteurs du quotidien, ces petits mais nombreux pollueurs qu'on n'aurait pu inclure dns un schéma d'échange de droits d'émissions.

L'Etat intervient par sa puissance publique et ses bras séculiers que sont les recettes des impôts. Le Trésor, public lui aussi, sert de banque pour conserver les amendes payées par les pollueurs. C'est là le gros intérêt des systèmes de taxe environnementale: tout le monde est couvert, une administration est déjà en place pour la collecter et les nouvelles règles vont s'appliquer du jour au lendemain, ou presque.

Il a même été dit que cet argent sera utilisé pour aider à réduire ces émissions. On peut y croire ou non, car le Trésor Public ne sait pas bien affecter des ressources à des postes de dépenses ciblées, de façon pérenne.

Si on entre encore plus dans les détails, les éloges s'étiolent et les critiques montent en volume.

Les voitures vers lesquelles la mesure devrait orienter les consommateurs à plus petit budget sont les petites diesels françaises. Renault et ses confrères vont s'en réjouir, si çà marche, et l'emploi national aussi.

Mais quid du citoyen ? Les diesels font du bruit et émettent des petites particules, les PM10 et en dessous. On a donc fait un choix entre le réchauffement et la santé publique, volens nolens peut-être, si on croit à la bonne foi de nos dirigeants, bien que le nolens me paraisse peu crédible hic et nunc.

Les petites particules sont en partie arrêtées par des filtres sur les pots d'échappement, qui ne sont hélas pas encore généralisés. Elles pénètrent dans les alvéoles des poumons et y demeurent, endommageant la fonction respiratoire de façon cumulative et durable. On s'émeut à juste titre des nanoparticules que les nanotechnologies vont disperser dans l'environnement, mais avec les émissions des véhicules diesel, nous sommes dans le présent, pas dans le prospectif.

Le bruit est aussi un soucis, car les chercheurs pensent aujourd'hui que nos oreilles nous autorisent un certain capital d'écoute sur une vie entière et que tout bruit, depuis celui du trafic automobile, jusqu'à celui de la musique en continu, qui déferle via les iPods, réduit ce quota initial.

Donc la taxe CO2 a des effets pervers, ce qui est un effet classique quand on met en oeuvre des mesures visant à traiter une question environnementale jusqu'ici externe au système économique.

Le problème est délicat et tous les politiques tombent dans ce piège, qu'il soit profond ou non. La Commission européenne, très proactive dans ce domaine, l'a fait très souvent.

Si on essaie de lister d'autres côtés pervers, c'est facile !

Les véhicules fonctionnant au gaz naturel liquéfié ont été oubliés, de même que ceux qui brûlent un carburant vert, comme le bioéthanol. Le premier oubli est gênant, pour l'équité vis à vis des choix techniques. Le second ne l'est pas, car le bioéthanol, tel qu'il est produit aujourd'hui en Europe, ne permet pas de réduire les émissions de CO2 ; malgré les affirmations contraires des acteurs du secteur, qui fonctionnent dans ce cas selon les pires travers des lobbies. On finira par trouver des bio-carburants qui répondent à ce besoin, comme le bioétahnol issu de la bagasse de canne à sucre au Brésil semble déjà le faire.

Allons un pas plus loin encore.

Pourquoi ne pas subventionner selon les mêmes règles, et le crier haut et fort, les expériences de Vélov et de Vélib, qui remplacent des déplacements automobiles urbains par des efforts musculaires ? Même chose pour l'utilisation des transports en commun. Des mesures allant dans ce sens favoriseraient d'ailleurs les citoyens les plus modestes, qui n'ont pas l'option de rouler en 4x4 et de payer le coût des taxes afférentes, et aussi les citoyens qui s'adaptent au changement le plus vite, souvent des jeunes !

Evidemment tout cela devient très complexe.

Le TGV Est, par exemple, engendre de nouveaux déplacements qui n'auraient pas eu lieu sans lui. On ne peut alors parler de substitution et donc de réduction d'émission, car c'est tout le contraire. Pas simple de faire la part des choses avec les outils dont on dispose aujourd'hui pour mesurer tout cela.

Messieurs les chercheurs à la frontière entre économie et écologie, réfléchissez à cette question SVP ! (NdlR : c'est en cours, heureusement !)

Bonne promenade à vélo pour ce week end, mais surtout pour aller travailler la semaine prochaine, si l'habitat urbain dans lequel vous vivez le permet !

C'est probablement là que les progrès devront être les plus audacieux dans l'avenir: en construisant les pistes cyclables urbaines ou péri-urbaines qui n'existent pas aujourd'hui, et en redessinant les villes pour minimiser les empreintes carbone de ses habitants, pas en réalisant l'équilibre précaire entre coût des terrains constructibles et taxes foncières, comme on le fait encore aujourd'hui, avec beaucoup plus d'effets pervers à long terme que la taxe sur le CO2 des voitures !

Question complémentaire : Où seront construites les futures tours de 100 étages de la ville de Metz ou de celle de Montpellier ?

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