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Tuesday, May 08, 2007

Leçons de démocratrie, rien de moins !! (essai)

Il y a différents problèmes liés à la démocratie, telle qu'on la pratique dans les pays occidentaux, en France, aux Etats Unis, dans la plus grande démocratie du Moyen-Orient, Israël, etc...

Les analyser permettrait peut-être de comprendre pourquoi nos démocraties, brandies comme des solutions universelles à la bonne gestion des affaires de l'état, ont quelque peine à se mettre en place ailleurs... Si la greffe a réussi en Allemagne, on peut discuter de sa vigueur au Japon et la question ne se pose même pas en Afghanistan et en Irak... Il y a aussi toute l'Afrique, l'Amérique latine, l'Inde, la plus grande démocratie du monde, l'Europe de l'Est, etc.

Parlons de la France d'abord. Elle sort d'une élection présidentielle qui a donné une large majorité au candidat élu, dans des proportions "historiques", jamais vues depuis que la 5ème République existe. On s'achemine probablement vers une large victoire aux législatives du parti du Président, avec une majorité de députés UMP, une disparition du FN, des écologistes et de l'extrême gauche, un parti socialiste anorexique et un mouvement démocrate dont les députés risquent de rester virtuels si Bayrou ne conclut pas d'accord avec l'UMP ou le PS.

Tout parait clair, le nouveau Président aura "les moyens de gouverner". Exit les perdants et gloire aux vainqueurs. Un triomphe à la romaine, où il ne manque que les perdants enchaînés derrière le char du vainqueur, puis exécutés !

Qu'est-ce qui a provoqué cette clarté ? Une victoire où le candidat rassemble 40% des suffrages des électeurs inscrits, alors que la perdante n'en a rassemblés que 38%. L'écart aux 100% est constitué de 7% de suffrages blancs ou nuls et de 15% d'abstentions.

Donc, la large victoire est due à ces 2% d'électeurs d'écart. C'est sur eux qu'a reposé la campagne électorale et son habileté, puisqu'il s'est agi d'analyser assez finement qui ils pouvaient bien être pour les faire voter dans le bon camp par une communication efficace et des promesses bien ciblées, tout en ne faisant pas s'enfuir les autres.

A partir de là, et si l'on veut croire que le passé va se reproduire, on va gouverner selon le bon vouloir du nouveau président, ses instincts, ses convictions profondes et sa capacité à apprendre en marchant pour combler les vides dans ses convictions. C'est ainsi que Chirac en 2002 a gouverné pour la seule droite présente dans les 82% de ses électeurs du deuxième tour, ou que Bush a, de façon assez fondamentalement différente (ce n'est pas un jeu de mot !), gouverné avec l'extrême droite chrétienne fondamentaliste en s'appuyant sur la politique intellectualisée par les néoconservateurs.

Les fameux 2% de majorité permettent donc à un parti de recevoir le pouvoir et de conduire ensuite la politique qu'il veut. Ces 2% sont ou ne sont pas entendus, et les 48% qui sont dans l'opposition, comme on dit, sont le plus souvent ignorés, aux beaux discours près des heures qui suivent la proclamation des résultats de l'élection.

Cela donne un sens précis à ce que veut dire majorité. Surtout dans des systèmes où la représentation au parlement n'est pas proportionnelle et donne donc une véritable et large majorité au vainqueur, exprimée en sièges à l'assemblée.

Sur un plan pragmatique, cela a permis aux gouvernements d'avoir les moyens de gouverner, c'est à dire de s'inscrire dans une dynamique de changement et de s'isoler de la temporalité immédiate et des lubies des opinions publiques - saisies par les sondages et autres outils contestables de ce genre. Certains gouvernements se saisissent de cette opportunité pour gouverner vraiment, d'autres pas. Depuis 30 ans, en France, la gauche l'a fait dans une certaine mesure et la droite quasiment jamais. C'est objectif, mesuré en termes de réformes et pas de promesses a priori.

Le diagnostic sur le long terme est cependant celui d'un immense blocage.

Si les changements sont trop importants, mesurés à l'aulne des intérêts particuliers, les prochaines élections vont amener l'opposition au pouvoir. S'ils sont timides ou inexistants, la majorité en place va être reconduite. La pays est gouverné par le conservatisme et la volonté de rester dans le statu quo. Ceux qui veulent le changement ne sont pas assez nombreux ou organisés pour faire changer les choses. Démocratie représentative, à la sauce du scrutin majoritaire, cela signifie donc, concrètement, immobilisme indéfini et maintien des avantages acquis de ceux qui en ont.

Dans un monde qui ne bouge pas et qui est véritablement uniforme (mondialisé ?), c'est un bon système, puisqu'il permet d'adapter sa conduite aux conditions atmosphériques - la conjoncture, et de prendre les virages amples qui sont autorisés sur l'autoroute ou la ligne de TGV. Par contre, ce n'est pas très adapté à une route de montagne et à une variété de paysages qui changent souvent.

Or la route que nous empruntons collectivement aujourd'hui est accidentée, mal entretenue, mal cartographiée et pleine de surprises et d'épingles à cheveux, même quand on traverse des plaines...!

Que faire ? Comment faire ?

Gardons l'analogie de la voiture que l'on conduit sur une route, ou plutôt une piste, pleine d'inattendu.... La nouveauté de notre époque, la façon dont le présent s'impose à nous, c'est cette imprévisibilité de la route et la certitude qu'elle réserve des surprises auxquelles il faut s'attendre, et donc se préparer.

Pour rester sur la route, ou rester dans la course, il faut un conducteur, pas un pilote automatique d'avion, ni un chauffeur de poids lourds qui traverse l'Europe sur autoroute, ni un chauffeur de rallye qui se jette dans les virages au risque des spectateurs et de sa vie à lui aussi ! Quelqu'un qui pilote un processus avec du feed back permanent et rapide de façon à s'adapter en temps réel, si possible même avec une certaine anticipation. Il faut donc une régulation, pour parler comme les ingénieurs.

Quelle genre de régulation fonctionne en politique aujourd'hui ?

Avant tout des élections régulières, tous les 4 ou 5 ans. Avec une marche en roue libre entre les deux échéances. Ce temps est trop long. Le temps caractéristique du changement aujourd'hui est de l'ordre du trimestre, voir la bourse américaine, plusieurs années c'est 10 ou 20 fois trop long ! En outre, il faut des informations sur le résultat de ce que l'on fait, une mesure des effets des politiques mises en oeuvre. Des milliers de rapports existent, certes, écrits par des experts ou par les cours des comptes, mais ils ne sont ni systématiques, ni utilisés pour des tableaux de bord, ni repris et contrôlés par la presse, ni clairs dans leurs méthodologies, ni particulièrement nombreux en regard des rapports qui disent ce qu'il faut faire sans référence au passé... Et on parle de ces sujets à chaque échéance électorale, c'est à dire dans un instant où la propagande a plus de place que l'analyse froide et scientifique de son programme passé.

Comment transposer ces idées dans la pratique ?

Gardons le principe de la démocratie, car on n'a pas trop de modèle de substitution ! Alors il faut éviter les les distorsions excessives de majorité qu'apporte le scrutin majoritaire et mettre en place des systèmes de régulation et de pilotage en temps plus réel.

Dans le monde des solutions déjà décrites, cela s'appelle injecter une dose de représentation proportionnelle dans la représentation parlementaire et une part de démocratie participative, voire directe - à la suisse ?, dans le système de démocratie représentative actuelle.

Et les nouvelles solutions doivent être légions : l'e-politique, le chat comme outil de débat, les groupes de quartier, de village, d'entreprise, le service civique obligatoire par conscription consacré à la politique, etc. Après l'altermondialisme, l'alterpolitique ! Plus de gens passant plus de temps à réfléchir à l'action à mener ! Une nouvelle réflexion sur le rôle des élites, des militants ! Une démocratisation des responsabilités, une banalisation de la prise des responsabilités, avec la démystification que cela apportera : si tous les gens sont aptes à voter, par définition, alors peut-être que tous ou presque tous sont aptes à gouverner ?

Quittons la France.

Aux US, la problème-clé de la démocratie est la faible participation des citoyens aux élections. Les élites qui accèdent au pouvoir sont donc encore moins représentatives qu'en Europe et donc moins légitimes. Pourtant, sur le terrain, dans les villages ou les écoles, dans la vie associative, les Américains sont très actifs. Ce sont les questions plus larges, l'international en particulier, qui les intéressent moins et qu'ils laissent aux élites de Washington - gouvernement fédéral et leurs think tanks. Un peu plus de démocratie participative au bon niveau ne ferait pas de mal chez eux non plus !

En Israël, c'est l'armée qui fournit l'essentiel du personnel politique et donc la démocratie y fonctionne sous la pression que l'on sait, avec un personnel pensant dans le langage de la stratégie militaire. Ce n'est pas à proprement parler un coup d'état permanent des généraux, mais cela y ressemble ! Par contre, la proportionnelle intégrale assure une certaine compensation de cette tendance.

Ailleurs dans le monde, la démocratie se met en place à une allure de sénateur (sans jeu de mot encore !).

Au Japon, elle n'a réussi qu'à ramener au pouvoir le Parti Libéral Démocrate régulièrement à chaque élection, depuis 50 ans !

En Amérique du Sud aussi, le concept de démocratie semble faire preuve d'un certain regain d'intérêt, maintenant que la gauche a remplacé la droite au pouvoir, pour cause de résultats calamiteux et de blocage au changement. Mais la gauche obéit à des définitions locales, ce qui assez normal, avec des dérives populistes.

Avec le recul et la sagesse pas vraiment justiifés de nos pays occidentaux, on aurait tendance à dire que la démocratisation d'un pays est un long apprentissage.

Le problème est que la démocratie n'est jamais acquise et que celle que nous connaissons a grand besoin de changer, vite et bien, si on veut que ce concept jeune - la référence à la démocratie grecque est toujours un peu exagérée ! - survive sur le long terme! Il n'y a pas de modèle de référence, simplement un modèle de démocratie apprenante... Chez ceux qui débutent comme chez eux qui la pratiquent depuis longtemps !


(écrit sous l'effet de la gueule de bois de l'élection présidentielle en France, de celle des deux élections de GW, qui ne s'est pas encore calmée et de quelques autres...)

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